Civilisation et Barbarie

Philippe Wolfers
1897

En achetant, en 2001, le chef-d’œuvre de Philippe Wolfers, Civilisation et Barbarie, la Fondation Roi Baudouin a évité que cette sculpture exceptionnelle ne quitte la Belgique pour entrer dans une collection privée au Japon. L’ouvrage n’est pas seulement une œuvre phare de l’Art nouveau en Belgique, il constitue également un témoin unique de notre histoire nationale.

L’œuvre est indissociable de l’Exposition universelle organisée à Bruxelles en 1897. À cette occasion, une section coloniale avait été inaugurée à Tervuren : l’exposition visait à parer les critiques négatives portant sur la politique coloniale, et à présenter les produits importés du Congo et les bienfaits qui en découlaient. En signe de gratitude pour le succès incontestable de cet événement, les industriels belges organisèrent à la fin de l’Exposition un grand dîner en l’honneur d’Edmond van Eetvelde, commissaire général de l’État indépendant du Congo.

Philippe Wolfers fut à cette occasion chargé de réaliser un cadeau de prestige : un porte-documents en ivoire congolais soutenu par deux figurines, l’une blanche, l’autre noire, censées évoquer les deux peuples qui se partageraient à l’avenir la partie belge des « côtes de Corail africaines ». L’artiste adapta la commande en choisissant une représentation allégorique : un cygne pour la civilisation, tandis que le dragon devait figurer la barbarie. Tous deux luttent pour la protection du lys, symbole de pureté et de lumière. Wolfers ne faisait qu’illustrer la perception de l’époque quant à la colonie et à l’influence civilisatrice de la Belgique.

Wolfers maîtrisait à la perfection les particularités des différents matériaux utilisés et excellait tant en orfèvrerie qu’en sculpture. Il fut le seul à veiller à ce que les défenses d’éléphants soient utilisées telles quelles ou sectionnées de façon à ce que leur origine reste clairement identifiable. L’ivoire est un matériau très fragile et très sensible aux changements climatiques. L’enchâsser dans une armature de métal constituait donc une opération délicate. La pièce d’ivoire n’est en aucun endroit fixée au métal, ce qui lui permet d’évoluer sans se briser.

L’allégorie et l’armature du porte-documents ont été réalisées en argent. Wolfers a joué sur la brillance de l’argent pour le cygne représentant l’homme blanc, tandis qu’il donna au dragon une patine sombre évoquant l’homme noir et renforçant l’effet sculptural. Cette patine a hélas presque complètement disparu.

Sur le parchemin posé dans le porte-documents figurait une carte du Congo ainsi qu’un texte décrivant les différentes étapes de la lutte de la civilisation contre la barbarie : la création de l’État indépendant du Congo, du service médical, des plantations et d’un service postal. Avec la construction future d’une voie de chemin de fer, tout cela devait contribuer au développement des populations autochtones. Le porte-documents contenait également deux rouleaux énumérant les noms des personnes ayant souscrit financièrement à la réalisation du chef-d’œuvre.
Les Musées royaux d’Art et d’Histoire ont aujourd’hui réservé à cette œuvre clé une place d’honneur au sein de la collection des prestigieux objets réalisés à la demande du roi Léopold II à l’occasion de l’Exposition internationale de Tervuren.

Publication « Philippe Wolfers. Civilisation et Barbarie. »
Site Musées royaux d’Art et d’Histoire

En savoir plus sur le Fonds du Patrimoine

Type : 
Porte-documents
Material / technique : 
Argent, ivoire et onyx
Dimensions : 
46 x 67 x 26,5 cm
Type of acquisition : 
Acquisition du Fonds du Patrimoine
Year of acquisition : 
2001
Depository institution : 
Musées royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles