L’un des chefs-d’œuvre du célèbre symboliste belge Fernand Khnopff (1858-1921) fut rapatrié des Etats Unis. Il s’agit du portrait de la sœur du peintre, Marguerite, un tableau dont l’artiste ne voulut jamais se séparer. La toile constituait l’élément essentiel de la « chambre bleue », une sorte de sanctuaire dans sa maison bruxelloise où Khnopff conservait ses œuvres et ses reproductions favorites.
À la mort de l’artiste, le tableau revint de droit à sa sœur Marguerite; il demeura dans la famille jusqu’en 1984. L’œuvre se retrouva ensuite dans une collection privée américaine. La Fondation Roi Baudouin put la racheter le 28 février 1991 lors d’une vente aux enchères à New York. Grâce à cette intervention, le Portrait de Marguerite revint en Belgique, où il peut désormais être admiré aux Musées royaux des Beaux-Arts.
Le Portrait de Marguerite illustre les fondements du portrait khnopffien. Avec cette oeuvre, il introduit un nouveau thème, celui de la femme mystérieuse. À travers son modèle de prédilection, sa propre sœur, l’artiste représente sa femme idéale. Il cherche moins à reproduire l’individualité de son sujet qu’à élaborer un type féminin.
Marguerite idéalisée est devenue inaccessible : rien ne nous permet d’entrer en contact avec elle. La jeune femme se tient debout, de façon quasi symétrique, devant une porte fermée qui clôt son univers à l’arrière-plan, tout comme, à l'avant-plan, Marguerite elle-même se distance du spectateur. Seul son regard nous permettrait de pénétrer son âme, mais il se détourne de nous. Sa robe blanche au haut col enserre sa silhouette tel un corset. Son corps sans pieds, les mains couvertes de longs gants, ne laissent rien échapper de sa personnalité. Son visage, découvert, est lui aussi idéalisé, derrière une apparence un peu triste. De son bras gauche, qu’elle dissimule derrière la taille de façon peu naturelle, Marguerite retient sa main droite, comme pour s’empêcher de faire un signe au spectateur.
