« Les avantures de Telemaque fils d’Ulÿsse & c. »

Grâce au Fonds Marie Jeanne Dauchy, qui s’est porté acquéreur de l’album, lors d’une vente organisée par Arenberg Auctions le 25 mai 2018, cette œuvre capitale de l’art du dessin des anciens Pays-Bas méridionaux restera préservée dans son intégralité.

La série de 86 dessins de l’artiste bruxellois Richard van Orley (1663-1732) raconte les aventures de Télémaque. Dès le XVIIIe siècle, les premiers biographes d’Orley font l’éloge de l’album, considéré comme un chef-d’œuvre.

Richard van Orley et son frère Jan comptent parmi les artistes majeurs de leur génération. Bien qu’il ait surtout réalisé des dessins, Richard van Orley est également connu comme miniaturiste et graveur.

L’histoire de Télémaque est précédée d’un autoportrait en médaillon de l’artiste à l’âge de 58 ans, où il se représente débordant d’assurance, avec l’inscription : « Effigie de Richard van Orleÿ, dessignateur à Bruxelles. agée de 58 ans an 1721. dessigez par luÿ meme ». À l’exception d’une gravure, il s’agit là du seul portrait connu de l’artiste.

Les dessins illustrent le roman « Les Avantures de Télémaque » de François Fénelon, publié à Paris en 1699. Cet ouvrage est un récit d’aventures didactiques, destiné à l’éducation et au divertissement du jeune duc de Bourgogne, Louis de France (1682-1712). L’ouvrage n’en est pas moins une critique implicite de la politique autocratique de son grand-père, Louis XIV. Fénelon, archevêque de Cambrai, tomba en disgrâce par la suite, ce qui n’empêcha pas le livre de connaître un succès retentissant et d’innombrables éditions et rééditions.

Au vu du nombre d’images inhabituellement élevé et du format horizontal des feuilles, il est peu probable que la série ait été conçue comme un projet d’illustration de livre. L’intention de l’artiste était peut-être de graver la série sur des planches de cuivre pour la publier sous forme d’estampes. Cependant, ces gravures n’ont jamais été réalisées.

Van Orley était passé maître dans l’art de construire des compositions narratives complexes dans lesquelles rêve et imagination se taillaient la part du lion. Ses dessins se caractérisent par une profusion de personnages et d’événements, le sens de l’effet dramatique et des arrière-plans d’une extraordinaire finesse. Les scènes, de conception hautement narrative, s’inscrivent généralement dans un cadre grandiose et présentent des analogies avec les cartons de tapisserie de son frère Jan.

La technique à la plume et au lavis d’encre brun et gris témoigne d’une grande virtuosité. Elle constitue un sommet, non seulement dans l’œuvre de l’artiste, mais aussi dans le dessin des anciens Pays-Bas méridionaux de la première moitié du XVIIIe siècle. En 2003, Alain Jacobs résumait les qualités exceptionnelles de cette suite en ces termes : « Avec cette suite qui participe encore pleinement du langage baroque par l’élan dynamique et le lyrisme poétique de chaque composition, par le goût de la fantaisie, par les références formelles et culturelles puisées dans divers courants artistiques du XVIIe siècle, Richard van Orley a porté l’art de l’illustration à un haut degré de perfection. Œuvre de maturité, elle représente, par son ambition, son originalité et ses qualités plastiques, la synthèse de l’art de Van Orley. Création contemporaine des chefs-d’œuvre de Watteau, la suite des Aventures de Télémaque reflète enfin le goût précieux et raffiné de la culture rococo en train d’éclore… ».

En savoir plus sur le Fonds Marie Jeanne Dauchy
Site web de la Bibliothèque royale de Belgique